Le 3 avril 2009, j’ai participé à un panel d’analystes lors de la troisième Conférence étudiante de recherche en gestion tenue à HEC Montréal sur le thème «La crise financière: Et pour demain?». Voici le texte de mon allocution. Il s’agit d’une version un peu modifiée d’un discours donné à St-Georges-de-Beauce et à Calgary en janvier dernier. — 22 avril 2009
L’économie a toujours été ma passion: comment aider nos concitoyens à réaliser leurs rêves et ainsi améliorer leurs sort et, par le fait même, le monde dans lequel nous vivons.
Aujourd’hui, j’aimerais vous parler de la crise économique. Je me concentrerai sur les politiques monétaires des banques centrales, car elles jouent un rôle crucial dans cette crise que nous traversons.
Mes réflexions s’inspirent du grand économiste Friedrich Hayek, qui a reçu le Prix Nobel d’économie en 1974 et qui est mort en 1992.
Ses collègues et lui – de ce qu’on appelle l’école d’économie autrichienne – nous ont mis en garde depuis des décennies contre les effets pervers des manipulations monétaires par les banques centrales.
Les banques centrales augmentent constamment la quantité de monnaie en circulation dans l’économie. Au Canada par exemple, selon la définition la plus stricte de la masse monétaire, celle-ci a augmenté de 6 à 12% par année ces douze dernières années. C’est à peu près la même situation dans les autres pays.
Cette création de monnaie à partir de rien a pour effet de faire grimper les prix et de déprécier la valeur de notre monnaie.
Plus la quantité de monnaie augmente rapidement, plus grande sera l’inflation et plus grande sera la réduction du pouvoir d’achat de chaque dollar.
Cela peut sembler minime un taux d’inflation moyen de 2% par année. Mais 2% de dépréciation année après année, cela finit par s’accumuler. Ainsi, de 1990 à aujourd’hui, l’inflation au Canada a été au total d’environ 42%. Le dollar de 1990 ne vaut plus aujourd’hui que 70 sous.
Cette inflation gruge une partie importante de nos revenus et de nos avoirs. C’est une forme de taxation déguisée.
À part faire augmenter les prix, qu’est-ce qui arrive lorsque les banques centrales maintiennent les taux d’intérêt artificiellement bas? C’est-à-dire des taux inférieurs au taux d’intérêt naturel: celui qui équilibre l’épargne volontaire et la demande de capitaux?
Eh bien, cela incite les gens à moins épargner, parce que le rendement sur l’épargne est plus bas. Et ils ont plus tendance à s’endetter, parce que le crédit devient plus facile à obtenir.
C’est justement ce qu’on fait depuis vingt ans au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde. En 1990, l’endettement total des ménages canadiens en pourcentage de leur revenu disponible était de 90%. Aujourd’hui, ce ratio d’endettement dépasse 140%.
En 1990, les ménages canadiens épargnaient environ 10% de leur revenu disponible. Le taux d’épargne est aujourd’hui tombé à 1%.
Certains pensaient que ça ne posait pas de problème parce que les avoirs des Canadiens allaient continuer d’augmenter pour compenser leurs dettes. En particulier parce que les prix des maisons grimpaient rapidement depuis la fin des années 1990, et que les placements dans les fonds de retraite prenaient de la valeur. Mais avec le ralentissement du marché immobilier et l’effondrement de la bourse, on sait maintenant que ça aussi c’était une illusion monétaire.
Ce qui m’amène à vous parler d’un autre effet pervers des manipulations monétaires qui déstabilise l’économie: la création de booms artificiels suivis de période de krach et de récession.
Rappelez-vous: il y a eu la bulle des nouvelles technologies à la fin des années 1990. Et maintenant, nous vivons l’éclatement d’une bulle qui s’est créée dans le domaine immobilier et le secteur financier.
Entre 2001 et 2004, pour relancer l’économie après l’effondrement de la bulle technologique, la Réserve fédérale américaine a baissé fortement ses taux d’intérêt, jusqu’à 1%. En tenant compte de l’inflation, les taux d’intérêt réels étaient négatifs. C’est comme si on subventionnait les gens pour les encourager à s’endetter. Mais on le sait tous: vivre sur la carte de crédit, ça ne peut pas durer indéfiniment!
Cette bulle s’est amplifiée avec l’aide du gouvernement américain. Celui-ci a incité les banques à accorder des prêts hypothécaires à risque et a encouragé ses concitoyens à acheter des maisons qu’ils ne pouvaient pas réellement se payer. Ce qui a contribué à une hausse insoutenable du prix des maisons de l’ordre de 10% à 15% par année.
En 2006, le marché des prêts à risque représentait 22% de tous les nouveaux prêts hypothécaires aux États-Unis.
On connaît maintenant bien l’histoire. Ces prêts ont été transformés en titres et revendus sur le marché un peu partout dans le monde. Les institutions financières à travers le monde qui détenaient ces titres se sont retrouvés en difficulté lorsque des propriétaires sont devenus incapables de payer leur hypothèque et que le prix des maisons a commencé à baisser.
Cette crise financière s’est également transformée en crise économique mondiale parce que les banques centrales ailleurs dans le monde pratiquent plus ou moins les mêmes politiques de création monétaire que la Fed. Il y avait trop d’argent et de crédit en circulation, qui ont été investis dans des projets risqués et non rentables.
Les récessions sont toujours précédées d’un boom inflationniste. On n’a qu’à se rappeler de la Grande Dépression, qui a été précédée des » Années folles « . Ce sont les banques centrales, en créant des quantités gigantesques de monnaie, qui sont à l’origine du boom inflationniste et de la crise.
Et maintenant, qu’est-ce qu’on doit faire pour sortir de cette crise?
Certains prétendent qu’on devrait stimuler artificiellement la demande en injectant encore plus d’argent dans l’économie. C’est la solution keynésienne.
Mais d’où viennent donc les ressources qu’on injecte dans l’économie? Elles ne tombent pas du ciel, elles viennent d’ailleurs dans l’économie. On prend de l’argent des uns pour le donner à d’autres. C’est comme prendre une chaudière d’eau dans le coin de la piscine où l’eau est profonde pour la jeter dans le coin où c’est moins creux.
Le gouvernement ne peut pas injecter de l’argent dans l’économie à moins de l’avoir d’abord soutiré au secteur privé par des taxes; de nous avoir endetté en l’empruntant; ou d’avoir créé de l’inflation en l’imprimant.
On se fait aussi dire que chacun d’entre nous devrait continuer à s’endetter et à consommer pour faire rouler l’économie. Dans cette période d’incertitude, alors que plusieurs pourraient perdre leur emploi, c’est encourager les gens à être irresponsable.
Est-ce que ce n’est pas ça justement qu’on vient de vivre? Une période où les politiques monétaires nous encourageaient à nous endetter et à vivre au-dessus de nos moyens?
C’est croire que plus nous consommons, plus nous devenons riches, alors que c’est pourtant le contraire qui est vrai : plus riches nous sommes, plus on peut consommer! Et on devient riche en travaillant, en épargnant et en investissant des ressources réelles, et en devenant plus productif. Il n’y a pas d’autres façons.
Roosevelt a prolongé la Grande Dépression pendant une dizaine d’années avec des politiques ultra interventionnistes.
Les Japonais ont mis en place ces politiques interventionnistes après l’éclatement de leur bulle immobilière à la fin des années 1980. Ils ont lancé des plans de relance gigantesques, ils ont pratiqué des taux d’intérêt à 0% pendant des années. Le seul résultat concret a été que le Japon est passé du pays le moins endetté du G7 en 1995 au pays le plus endetté aujourd’hui. Et il est encore en crise économique 20 ans plus tard.
Il y a une chose qui est encore plus dangereuse que cette crise économique: c’est la façon dont nous allons y réagir. En intervenant trop et mal, nous risquons de l’empirer et de la prolonger.
La meilleure chose à faire selon moi, c’est de garder le cap sur les principes fondamentaux qui ont fait leur preuve : une monnaie stable, la responsabilité financière et le libre marché. C’est en défendant ces valeurs que nous allons retrouver notre prospérité et garantir celle de nos enfants.
Merci.
Leave a Reply