Le 22 novembre dernier, j’étais le conférencier invité lors d’un lunch organisé par l’Institut économique de Montréal, où j’ai brièvement travaillé comme vice-président en 2005 avant de devenir député. J’y ai parlé de ma façon de faire de la politique autrement. Des manifestants sont venus chahuter au début de l’événement, ce qui explique mon commentaire au début de ma présentation dans la vidéo. Je voudrais remercier Stornoway Communications pour l’enregistrement et la production de cette vidéo de qualité. — 23 decembre 2010
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Faire de la politique autrement
par Maxime Bernier
Institut économique de Montréal
22 novembre 2010
(Commentaires d’introduction et remerciements)
Parlons donc d’un problème central de la politique d’aujourd’hui, de la politique telle qu’elle est pratiquée de manière conventionnelle: pourquoi tant de gens ont-ils l’impression que les choses empirent ou du moins ne s’améliorent pas dans notre société, malgré la croissance économique et les avantages de la vie moderne ?
Si l’on regarde certaines grandes tendances historiques, on peut conclure que c’est une impression qui est bel et bien fondée.
La principale tendance qu’on observe, c’est que les gouvernements n’arrêtent pas de grossir. Un plus gros gouvernement, c’est un gouvernement qui taxe plus, qui dépense plus, qui s’endette plus, qui réglemente plus. C’est un gouvernement qui intervient dans tous les aspects de nos vies, et qui réduit donc d’autant notre liberté d’agir.
C’est ce qui s’est passé dans tous les pays du monde tout au long du 20e siècle. Le rôle, la taille et les pouvoirs des gouvernements ont radicalement augmenté.
Prenons par exemple la mesure des dépenses publiques en proportion du produit intérieur brut, c’est-à-dire la portion de l’économie dans son ensemble contrôlée par les gouvernements. Dans les principaux pays du monde occidental, elle est passée d’environ 10 % il y a un siècle à plus de 40 % aujourd’hui.
C’est donc presque la moitié de toute l’économie qui est aujourd’hui contrôlée par les gouvernements. La moitié de vos salaires qui s’en vont en impôts et en taxes.
Ces sommes gigantesques ne sont même pas suffisantes pour payer tous les programmes et interventions des gouvernements. Ils doivent emprunter des milliards de dollars chaque année pour combler leurs déficits.
Il y en a peut-être parmi vous qui ont de jeunes enfants, ou qui prévoient en avoir. Eh bien, dites-vous que chaque bébé naît avec une dette de plusieurs dizaines de milliers de dollars, qu’il devra rembourser d’une manière ou d’une autre au cours de sa vie. C’est peut-être pour ça qu’ils se mettent à pleurer dès qu’ils arrivent au monde !
Parlant de bébés, les gouvernements nous prennent trop souvent pour des enfants irresponsables et croient savoir mieux que nous ce qui est bon pour nous. On ne peut pratiquement rien faire sans avoir l’autorisation d’un bureaucrate.
Saviez-vous par exemple qu’il existe une loi au Québec et dans d’autres provinces qui impose un prix minimum pour la bière que vous achetez au magasin ? Eh oui, la bière pourrait coûter moins cher, mais le gouvernement a peur que vous en buviez trop si c’est trop bon marché. La Régie des alcools détermine donc, et je cite la loi, un « prix minimum de vente au détail de la bière afin qu’il n’encourage pas à une consommation non-responsable » . Ça adonne bien parce qu’un prix plus élevé, ça amène aussi plus de taxes dans les coffres du gouvernement.
Les gouvernements contrôlent des pans entiers de l’économie, comme la santé et l’éducation. Des secteurs qui sont constamment en crise et où il semble toujours y avoir des problèmes de financement. Et pourtant, chaque année, les budgets de ces programmes augmentent plus vite que le reste de l’économie. Comment est-ce possible ?
C’est l’ex-président américain Ronald Reagan qui a le mieux décrit la situation. Il a expliqué le point de vue des gros gouvernements interventionnistes comme ceci : si quelque chose bouge, taxez-le ; si ça continue de bouger, réglementez-le ; et si ça arrête de bouger, subventionnez-le !
Ce qu’il faut se demander, c’est pourquoi la taille des gouvernements a-t-elle tant augmenté? Est-ce que tout le monde souhaite vraiment avoir ces gouvernements obèses et tentaculaires ? Est-ce que c’est pour ça que les gens votent ?
Des économistes de l’école des choix publics ont tenté d’expliquer cette dynamique. Leurs recherches démontrent que les groupes qui partagent les mêmes objectifs ont fortement intérêt à s’organiser pour faire pression sur les politiciens.
Ces groupes de pression veulent des subventions, des mesures protectionnistes, des programmes sociaux plus généreux, des privilèges fiscaux ou légaux, une réglementation qui les favorise ou qui les protège de compétiteurs. Une faveur obtenue du gouvernement peut leur rapporter des bénéfices considérables.
Bien sûr, c’est vous les citoyens qui aurez à payer pour ces faveurs. Toutefois, vous n’avez sûrement pas le temps de participer à des réunions et à des manifestations dans la rue pour dénoncer une mesure spécifique du gouvernement qui va vous coûter dix dollars. Même si dix dollars par ci, dix dollars par là, ça finit par donner des centaines et des milliers de dollars. Vous devez travailler et vous occuper de votre famille. Par contre, le lobby qui reçoit 100 millions de dollars grâce à cette mesure a un énorme intérêt à s’organiser et à faire pression sur les politiciens.
Il est très difficile pour les politiciens de dire non à ces lobbies. Les lobbies ont les moyens d’influencer les débats, de mobiliser rapidement des appuis et de susciter des controverses dans les médias. D’autre part, on entend rarement ce que la majorité silencieuse en pense, même si c’est elle qui devra payer la note ou subir la nouvelle réglementation.
Les économistes de l’école des choix publics expliquent aussi qu’au sein du gouvernement, les fonctionnaires ont leurs propres intérêts à défendre. C’est quoi leurs intérêts ? C’est d’élargir les programmes qu’ils administrent, d’avoir de plus gros budgets, des titres plus prestigieux, des pouvoirs plus importants pour intervenir dans la vie des citoyens.
Les fonctionnaires ont une grande influence sur la prise de décision politique parce que ce sont eux qui contrôlent l’information et l’ordre du jour des politiciens. J’en ai fait l’expérience quand j’étais ministre de l’Industrie. J’ai dû me battre contre mes propres fonctionnaires pour réaliser mon objectif de déréglementer une partie importante du secteur des télécommunications dans le but de permettre plus de concurrence, d’offrir plus de choix et de réduire les prix pour les consommateurs.
Si les groupes d’intérêt et les fonctionnaires veulent un gouvernement plus interventionniste et que les politiciens non seulement ne font rien pour s’y opposer, mais vont dans le même sens en achetant des votes avec l’argent des contribuables, eh bien les électeurs auront davantage de gouvernement, peu importe ce qu’ils veulent.
Voilà comment l’État grossit sans cesse. Voilà comment nous devenons de plus en plus réglementés et endettés, de moins en moins libres et de plus en plus dépendants des gouvernements.
On pourrait conclure d’une telle analyse que les gouvernements vont continuer de grossir et qu’il n’y a rien à faire pour changer cette tendance. Je pense qu’au contraire on peut changer les choses. C’est dans ce sens-là que je parle de faire de la politique autrement. Qu’est-ce que ça implique ?
Tout d’abord, il faut être conscient de la dynamique politique qui favorise la croissance de l’État. Il faut connaître l’histoire, l’économie et des théories comme celle de l’école des choix publics. Les prendre au sérieux et en tirer les conclusions qui s’imposent.
Un politicien sans vision claire des principes qu’il défend et de ce qu’il veut accomplir va se faire rapidement happer par ce système que je viens de décrire. Il va se laisser manipuler par les fonctionnaires et les groupes de pression et retomber dans la façon traditionnelle de faire de la politique.
Si l’on veut que nos idées en faveur de plus de liberté et de moins d’État aient une influence dans les débats, on doit également s’en faire les porte-parole sur la place publique. À moins de pouvoir distribuer des faveurs, la seule influence que peut avoir un politicien vient de l’appui de tous ceux qui sont d’accord avec les idées qu’il défend.
C’est pourquoi il faut convaincre et mobiliser les citoyens en défendant ces idées ouvertement, avec passion et conviction. Même si ça signifie qu’on va déplaire à beaucoup de gens qui ne sont pas d’accord ou qui ont intérêt à avoir de gros gouvernements interventionnistes. De toute façon, quand on essaie de plaire à tout le monde, il y a de bonnes chances qu’on déplaise aussi à tout le monde.
Une proportion importante de Canadiens ont décroché de la politique, ont cessé de voter, parce qu’ils ne voient aucune option qui les attire dans l’offre politique. Ils n’entendent que des discours partisans, manipulateurs et contradictoires.
Ils voient bien qu’il est impossible de tenir toutes les promesses que les politiciens leur font. Que chaque faveur accordée à un groupe implique qu’un autre groupe aura à payer davantage. Et que le seul résultat de la politique traditionnelle, c’est que leur niveau de vie va diminuer, qu’on va leur enlever une portion de plus en plus importante de leur salaire, en plus d’endetter leurs enfants.
En faisant de la politique autrement, on peut redonner à ces gens une raison d’espérer que les choses changent vraiment.
C’est pour cette raison que depuis ma première campagne électorale, j’ai toujours refusé de faire des promesses. Et au cours des derniers mois, sur plusieurs tribunes à travers le pays, j’ai mis de l’avant les idées et principes auxquels je crois.
Il faut l’admettre, c’est toujours un peu délicat de soulever ces questions. Je fais aussi partie d’une équipe, le Parti conservateur du Canada, dont je suis fier des réalisations. J’ai un devoir de solidarité envers mes collègues et mon gouvernement.
Mais vous savez quoi ? Ça marche, faire de la politique autrement. Quand on appuie ses prises de position sur des principes clairs, des principes conservateurs dans mon cas, ça crée parfois des remous et des controverses. Mais ça provoque des prises de conscience et ça fait progresser le débat. Ça suscite également le respect chez ceux qui ne sont pas d’accord.
Je pense qu’une bonne partie de la population en a ras le bol de la langue de bois, du patinage artistique des politiciens, des entourloupettes pour dire une chose et son contraire. Ils veulent entendre un nouveau discours avec des idées claires, des principes, et pas seulement des slogans creux.
Une autre chose qui a changé, c’est qu’aujourd’hui, avec les nouveaux moyens de communication, il est beaucoup plus facile de s’informer et de s’organiser. La théorie des choix publics telle qu’elle a été élaborée il y a un demi-siècle, même si elle reste valable, a donc évolué.
Ce ne sont plus seulement les groupes de pression avec d’importants moyens qui peuvent influencer les débats publics. Un petit groupe de citoyens peut en rejoindre rapidement des milliers d’autres avec les réseaux sociaux sur Internet. Il est beaucoup moins coûteux de faire valoir nos opinions en joignant un groupe sur Facebook qu’en participant à une manifestation, ce qui était l’une des seules façons de se faire entendre il y a vingt ans. La multiplication des sources d’information permet aussi de diffuser des points de vue qui ne sont pas ceux qu’on entend couramment.
On l’a vu avec les Tea Parties aux États-Unis, avec l’élection de Rob Ford à la mairie de Toronto ou avec le lancement du Réseau Liberté-Québec chez nous. La façon traditionnelle de faire de la politique est en voie d’être remise en question.
Le pari que je fais, c’est que l’authenticité va devenir une qualité de plus en plus recherchée en politique. La population est prête à appuyer des politiciens qui disent clairement ce qu’ils pensent, qui reconnaissent qu’il y a des choix difficiles à faire au lieu de promettre mer et monde. Et qui tiennent un discours fondé sur la liberté et la responsabilité individuelles, moins de gouvernement et plus de libre marché.
Le lauréat Nobel d’économie Friedrich Hayek a écrit en 1949 :
« Nous devons faire de nouveau de la création d’une société libre une aventure intellectuelle, un acte de courage. (…) Si nous pouvons retrouver cette croyance dans le pouvoir des idées qui était la marque du libéralisme dans ses meilleurs moments, le combat ne sera pas perdu. »
Si vous êtes ici aujourd’hui, c’est que vous croyez vous aussi dans le pouvoir de ces idées. Je vous invite à participer activement à leur promotion, que ce soit en appuyant un organisme comme l’IEDM, ou en vous impliquant dans d’autres domaines d’activités.
Plus elles seront comprises et partagées par un grand nombre de gens, plus il sera facile pour moi et pour d’autres de mes collègues de faire de la politique autrement. Et éventuellement de faire du Québec et de l’ensemble du Canada des sociétés plus libres et plus prospères. Merci.
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