Voici la version originale d’un discours que j’ai présenté plus tôt ce mois-ci à l’université Carleton, dans le cadre de la seconde édition de la Conférence sur l’innovation au sein du gouvernement (Government Innovation Conference) organisée par le Municipal Taxpayer Advocacy Group. — 24 décembre 2012
Les avantages d’un petit gouvernement
Maxime Bernier
3 décembre 2012, Ottawa
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En tant que député du Parti conservateur, je suis souvent étiqueté comme un politicien de droite. Selon les catégories idéologiques conventionnelles, c’est ce qui distinguerait les conservateurs des libéraux, qui eux seraient plutôt centristes, et des néo-démocrates ou des bloquistes, qui eux seraient à gauche de l’échiquier politique.
Je n’ai jamais aimé ce genre de distinction, qui selon moi ne veut pas dire grand-chose de bien précis.
Je préfère utiliser un autre critère plus précis pour définir ma position : lorsqu’on est confronté à un problème, est-ce qu’il faut que le gouvernement intervienne ou qu’il laisse les individus collaborer entre eux pour trouver une solution? Devrait-on avoir un plus gros gouvernement avec moins de liberté, ou un plus petit gouvernement avec plus de liberté?
Ma réponse est qu’il faut avoir un plus petit gouvernement avec plus de liberté. Le gouvernement devrait intervenir moins et chaque fois que c’est possible, il faudrait s’en remettre au libre marché et à l’initiative individuelle au lieu d’imposer de nouvelles règles.
J’ai du respect et de l’admiration pour des politiciens considérés comme étant à droite, comme Margaret Thatcher et Ronald Reagan, qui ont réussi à diminuer l’intervention de l’État dans certains domaines.
Mais j’en ai aussi pour des politiciens considérés comme étant à gauche, qui ont fait la même chose. Bill Clinton par exemple, qui a radicalement réformé l’aide sociale, réduit les dépenses et éliminé le déficit du gouvernement américain.
Tout de même, je suis membre du Parti conservateur parce que cela fait partie de la philosophie conservatrice de comprendre les avantages d’un petit gouvernement.
Pour nous, conservateurs, au contraire, le gouvernement devrait idéalement établir et appliquer les règles fondamentales de la vie en société. Puis, il devrait laisser les individus libres de coopérer entre eux pour répondre à leurs besoins. L’État ne devrait pas intervenir pour tenter de régler tous les problèmes, dans le but d’imposer une vision utopique et irréaliste de la société.
Pour paraphraser John F. Kennedy dans une perspective conservatrice : ne demandez pas à votre gouvernement ce qu’il peut faire pour vous ; demander à votre gouvernement de s’enlever du chemin, de façon à vous laisser libre d’assumer vos responsabilités envers vous-mêmes, envers votre famille, et envers tous ceux qui vous sont chers.
Les bonnes actions gouvernementales sont celles qui laissent aux individus l’opportunité de rêver et de réaliser leurs rêves ; elles n’imposent pas à tous les rêves de certains. C’est pour défendre de telles mesures que j’ai décidé de faire de la politique.
LES PREUVES
Plus spécifiquement, si nous examinons les données disponibles, quels sont les avantages d’un plus petit gouvernement? Je pense que les preuves sont très claires.
La plupart d’entre vous avez sans doute entendu parler du rapport annuel de l’Institut Fraser sur la liberté économique dans le monde. Ce rapport se penche sur plus de 20 composantes de la liberté économiques. Non seulement la taille de l’État, mais aussi d’autres composantes telles que la protection des droits de propriété et la liberté de commerce.
Les pays qui se situent dans le quartile supérieur de liberté économique avaient un PIB par habitant moyen de 37 691 $ en 2010, contre 5188 $ pour ceux du quartile inférieur.
Dans le quartile supérieur, le revenu moyen des 10% des citoyens les plus pauvres était de 11 382 $, contre 1209 $ pour ceux du quartile inférieur. Notez bien cela : les 10% les plus pauvres dans les pays les plus libres économiquement sont deux fois plus riches que les citoyens des pays les moins libres. Les pauvres bénéficient également de la liberté économique.
Il y a de nombreux autres avantages à vivre dans un pays économiquement libre avec un petit gouvernement. L’espérance de vie est de 79,5 ans dans le quartile supérieur, comparé à 61,6 ans dans le quartile inférieur. Les libertés politiques et civiles sont considérablement plus élevées dans les pays économiquement libres que dans les pays qui ne le sont pas.
Le Canada a amélioré sa position dans ce classement au cours des dernières années et est maintenant en cinquième position. Les États-Unis, où le gouvernement n’arrête pas de grossir, ont reculé à la 18e place.
Une autre étude récente d’un think tank britannique, le Centre for Policy Studies, s’est penchée sur l’effet de la taille de l’État sur la croissance et sur d’autres résultats dans les pays développés.
L’étude a observé que pour la période allant de 1965 à 2010, un ratio plus élevé de l’impôt sur le PIB avait un effet négatif statistiquement significatif sur la croissance. Par exemple, une augmentation de 10 points de pourcentage du ratio de l’impôt sur le PIB entraînait une diminution de 1,2 point de pourcentage de la croissance annuelle du PIB par habitant.
Un effet négatif similaire a été observé avec le ratio des dépenses sur le PIB. Entre 2003 et 2012, la croissance réelle du PIB a été de 3,1% pour les pays avec un petit gouvernement, comparé à 2,0% pour les pays avec un gros gouvernement.
Dans cette étude, on définit comme un petit gouvernement un gouvernement dont les dépenses et les recettes sont inférieures à 40% du PIB. Je ne suis pas certain que je qualifierais cela de « petit » gouvernement! Il n’y aurait toutefois eu aucun pays dans cette catégorie si on avait plutôt pris comme critère « dépenses et recettes inférieures à 10% du PIB ». Environ 10% du PIB : c’est cette taille qu’avait l’État dans les pays développés de l’Occident comme le Canada il y a un siècle. Cela vous montre à quel point l’État a grossi et est devenu gigantesque au cours du 20e siècle.
LA LOGIQUE QUI SOUS-TEND UN PETIT GOUVERNEMENT
La logique qui sous-tend les avantages d’un petit gouvernement est la suivante : l’État ne peut dépenser que des fonds qu’il a d’abord pris ailleurs dans l’économie réelle. Un gouvernement ne peut pas injecter des ressources dans l’économie à moins de les avoir d’abord retiré du secteur privé par des taxes et des impôts; ou de nous avoir endettés davantage en empruntant l’argent.
Chaque fois que le gouvernement prend un dollar additionnel dans la poche de quelqu’un, c’est un dollar que cette personne ne pourra pas dépenser ou investir. Les dépenses publiques augmentent; les dépenses privées diminuent. Il n’y a aucun effet net, aucune augmentation de la demande globale. Aucune création de richesse.
Les emprunts du gouvernement ont le même effet. Les investisseurs privés qui prêtent l’argent au gouvernement auront moins d’argent à prêter à des entrepreneurs du secteur privé. Ou bien, ils auront moins d’argent à dépenser ou à investir ailleurs. Les emprunts et les dépenses publics augmentent; les emprunts et les dépenses privés diminuent. Il n’y a aucun effet net, aucune augmentation dans la demande globale. Aucune création de richesse.
Quand il dépense, le gouvernement fait toujours concurrence au secteur privé pour mettre la main sur des ressources rares. De plus, les bureaucraties utilisent les ressources moins efficacement que les entreprises privées, qui doivent rester concurrentielle pour être profitables et survivre. Lorsqu’on détourne des ressources de l’utilisation la plus productive qu’elles peuvent trouver dans le secteur privé, pour les utiliser à des fins moins productives dans le secteur public, on verra moins de croissance.
CE QU’A FAIT NOTRE GOUVERNEMENT
C’est pourquoi pour s’assurer d’avoir une économie qui croît, il faut donner aux entrepreneurs les moyens de créer de la richesse. Nous devons mettre en place les meilleures conditions possibles pour que le secteur privé devienne plus productif.
Cela signifie, en premier lieu, de contenir les dépenses. Dans notre Plan d’action économique 2012, nous avons procédé à un examen exhaustif d’environ 75 milliards de dollars de dépenses de programmes directes par les ministères et les agences du gouvernement.
Cet examen a identifié un certain nombre de façons de dépenser plus efficacement l’argent des contribuables, ce qui a permis de réaliser des économies de 5,2 milliards de dollars.
Les dépenses du gouvernement devraient diminuer de façon soutenue en proportion de l’économie au cours des quatre prochaines années, pour revenir au niveau d’avant la récession.
Nous devons également réduire les impôts. L’impôt sur les sociétés est maintenant à 15%, le plus bas niveau parmi les pays du G7. Il était à 22% quand nous sommes arrivés au pouvoir il y a six ans. Voilà une façon concrète de rendre les ressources disponibles pour le secteur privé.
Nous avons besoin de plus de libre-échange. Cela aussi est une caractéristique d’un petit gouvernement. Ça signifie des tarifs douaniers moins élevés, moins de quotas, moins de réglementation, moins d’obstacles pour les entreprises et les consommateurs.
Notre gouvernement a annoncé des accords de libre-échange avec neuf pays jusqu’à maintenant. Nous sommes toujours en train de négocier avec plusieurs autres. Nous espérons pouvoir annoncer bientôt une entente très importante avec l’Union européenne.
Enfin, il nous faut moins de réglementation. La paperasse inutile est une taxe cachée sur le travail des entrepreneurs qui touchent surtout ceux qui sont le moins capables de la supporter : les petites entreprises. La paperasse inutile ralentit la croissance économique et la création d’emploi, diminue la productivité et a potentiellement pour effet d’écraser l’esprit d’entreprise des Canadiens. En tant que ministre responsable de la Petite Entreprise, c’est l’une de mes principales préoccupations.
En janvier dernier, j’ai dévoilé le rapport de la Commission sur la réduction de la paperasse. Il contient 105 recommandations pour se débarrasser des irritants réglementaires et pour éviter que la paperasse se remettre à augmenter encore une fois. Voilà une façon concrète de libérer les énergies du secteur privé.
Enfin, si l’État devient vraiment plus petit, cela signifie que nous avons besoin de moins de gens pour assurer la gestion des programmes. Le Plan d’action économique 2012 indiquait qu’en tout, 19 200 postes fédéraux seraient abolis sur une période de trois ans.
La fonction publique fédérale a cessé de croître après avoir beaucoup grossi depuis 1999. Entre le 31 mars 2010 et le 31 mars 2012, le nombre de fonctionnaires a diminué de 4863 (de 282 955 à 278 092). En proportion de la population canadienne, la taille de la fonction publique fédérale est passée de 1 % en 1983 à 0,82 % en 2011.
IL FAUT FAIRE PLUS
Je pense que cela ne devrait être qu’un début. Il faut faire plus, beaucoup plus, pour réduire la taille de l’État.
Un plus gros gouvernement, c’est un gouvernement qui taxe plus, qui dépense plus, qui s’endette plus, qui réglemente plus. C’est un gouvernement qui intervient dans tous les aspects de nos vies, et qui réduit donc d’autant notre liberté d’agir.
On ne peut pratiquement rien faire aujourd’hui sans devoir obtenir une permission d’un bureaucrate. Vous voulez naviguer une chaloupe? Armez-vous de patience pour obtenir toutes les autorisations nécessaires et savoir tous les règlements qui s’appliquent. Même s’il y a des milliers de pages de règlements obscurs, ne pas les connaître n’est pas considéré comme une excuse par la loi si jamais vous les enfreignez. Vous ne pouvez plaider l’ignorance de la loi.
Les gouvernements nous prennent trop souvent pour des enfants irresponsables et croient savoir mieux que nous ce qui est bon pour nous. Pour eux, ça justifie les mesures qu’ils adoptent pour nous tenir par la main du berceau au tombeau et nous dire quoi faire. Et aussi pour prendre notre argent dans nos poches.
Les gouvernements veulent nous protéger contre tous les dangers et les risques possibles de la vie en contrôlant nos actions. Mais qui va nous protéger contre les gouvernements ?
CONCLUSION
Je pense que nous nommes à la fin d’un cycle de croissance de l’État qui a débuté il y a un siècle. La présente crise a montré que plus de dépenses publiques n’est pas une solution. Les dépenses publiques ne stimulent pas la création de richesse. En taxant et en empruntant, le gouvernement prend des ressources à certains et les donne à d’autres.
C’est comme prendre une chaudière d’eau dans le coin de la piscine ou l’eau est profonde pour la jeter dans le coin où c’est moins creux. Plus de dépenses publiques agit comme un sédatif économique plutôt que comme un stimulant.
Il nous faut redécouvrir les bienfaits d’un plus petit gouvernement, avec plus de liberté et des citoyens responsables. C’est cela qui a fait du Canada un grand pays, ce qui nous a rendus libres et prospères en premier lieu.
Nous devons devenir non seulement de meilleurs gestionnaires d’un gros État ; nous devons devenir de meilleurs gestionnaires d’un plus petit État
Merci.
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