Le 10 février 2009, le gouverneur de la Banque du Canada, M. Mark Carney, comparaissait devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes, sur lequel je siège, pour discuter de l’état des économies du Canada et du reste du monde. Je lui ai posé une question sur la nature de l’inflation et sur la cible de la Banque du Canada. On peut visionner cet échange (en anglais) sur la vidéo suivante ou lire la transcription adaptée plus bas. — 21 avril 2009
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Maxime Bernier: Vous avez dit dans un discours que vous avez prononcé il y a deux semaines à Halifax, et je cite:
… la politique monétaire a trait à la quantité et à la valeur de la monnaie en circulation dans l’économie. La seule contribution, et la plus directe, que la politique monétaire puisse apporter à la bonne tenue de l’économie consiste à donner aux Canadiens et aux Canadiennes l’assurance que leur monnaie conservera son pouvoir d’achat.
Vous avez aussi parlé du taux d’inflation de 2 p. 100 que vous avez qualifié de pilier de la politique monétaire de la Banque.
Je me demande comment une monnaie peut conserver son pouvoir d’achat quand elle perd 2 p. 100 de sa valeur chaque année. Un taux d’inflation de 2 p. 100 par année peut sembler faible, mais lorsque la monnaie se déprécie de 2 p. 100 année après année, cela finit par compter.
J’ai consulté le site de la Banque du Canada et je me suis servi de la feuille de calcul de l’inflation qu’on y trouve pour établir quelle valeur notre dollar avait perdue au cours des dernières années. Prenons 1990 comme point de référence. En 1990, ce n’était pas il y a si longtemps, mais l’inflation au Canada depuis cette époque a atteint 42 p. 100. Cela veut dire que notre dollar aujourd’hui ne vaut que 70 ¢ par rapport à il y a 19 ans.
La cause fondamentale de l’inflation des prix est que la masse monétaire augmente continuellement. L’inflation des prix est causée par l’inflation monétaire. Plus la masse monétaire est élevée, plus les prix globaux sont susceptibles d’augmenter et plus notre dollar est susceptible de perdre son pouvoir d’achat.
J’ai aussi vu sur votre site Web que M1, qui est une façon de définir la masse monétaire, avait augmenté de 6 à 12 p. 100 par année au cours des 12 dernières années. C’est un rythme beaucoup plus élevé que le rythme de croissance de notre économie. Cette inflation gruge le revenu des Canadiens et réduit la valeur de leurs économies. Lorsque votre collègue de la Réserve fédérale, M. Bernanke, a comparu devant le Comité du Congrès le 16 juillet 2008, il a affirmé que l’inflation était une taxe parce que les gens devaient payer davantage pour les biens et les services qu’ils achètent.
J’aimerais vous poser deux questions. J’aimerais d’abord savoir si vous pensez comme le président de la Réserve fédérale que l’inflation est une taxe. Ma deuxième question a trait à la cible de 2 p. 100 pour le taux d’inflation. Ce taux suppose une très importante dépréciation de notre monnaie au cours des années. Je me demande pourquoi ce taux est de 2 p. 100, et non pas de 0 p. 100. S’il était de 0 p. 100, cela permettrait de protéger complètement la valeur d’achat de notre monnaie. Je sais que ce taux est fixé dans un accord avec le ministère des Finances et que vous ne pouvez pas simplement le modifier à votre guise, mais j’aimerais connaître votre avis là-dessus. À titre d’économiste, pensez- vous qu’un taux d’inflation de 0 p. 100 serait plus avantageux et, dans le cas contraire, pourquoi pas?
Mark Carney: Vous avez été très occupé, monsieur Bernier! Je ferai quelques observations très brèves et nous pourrons discuter plus à fond de la question un peu plus tard.
Premièrement, comme vous l’avez fait observer, la Banque du Canada est régie par un cadre redditionnel très clair. Le taux d’inflation cible de 2 p. 100 figure dans un accord conclu avec le gouvernement du Canada. Cet accord expire en 2011. Depuis la signature de cet accord au début des années 1990, le taux d’inflation au Canada s’est élevé en moyenne exactement à 2 p. 100. L’accord a donc été respecté. Dans une situation comme celle d’aujourd’hui, lorsque s’exercent des pressions désinflationnistes, il importe que les Canadiens soient assurés que l’inflation ne sera pas plus élevée. Ces attentes demeurent.
Permettez-moi de soulever un point très important dans le contexte actuel. Le fait que les Canadiens peuvent s’attendre, à moyen terme, que l’inflation demeurera à 2 p. 100 permet aux taux d’intérêt réels d’être très bas en ce moment. Vos calculs sont cependant tout à fait justes. Comme ils s’appuient sur notre feuille de calcul, ils ne peuvent que l’être. Il s’agit d’une décision de politique économique. Nous faisons beaucoup de recherches dans ce domaine pour savoir si la cible devrait être plus basse. Nous reviendrons devant le Comité pour discuter de nos recherches au moment opportun.
Vous avez parlé de la dépréciation de la monnaie et je voudrais attirer votre attention à cet égard sur le fait que ce qui importe pour les exportations et la compétitivité, c’est le taux de change réel qui est fonction du taux de change nominal affiché et du taux d’inflation relatif dans divers pays. Le taux d’inflation aux États-Unis a donc une incidence sur le taux d’inflation au Canada.
Je voudrais aussi dire quelques mots au sujet de la croissance de M1 au Canada. Ce qui importe en cette période de crise – et ce qui importe toujours -, c’est la relation entre les agrégats monétaires de définition étroite et les agrégats monétaires de définition large. Ce qui se passe dans tout un ensemble de pays, c’est que la vélocité de l’argent a diminué et que les agrégats monétaires de définition large – les agrégats du crédit – n’augmentent pas même si la base monétaire, elle, augmente. Il s’agit de rétablir ce lien au Canada. Il faut viser une relation plus stable, et cela est lié à la question que posait M. Mulcair sur l’évolution de la situation à moyen terme.
Enfin, j’aimerais faire observer que le mois dernier, la croissance de M1 a été supérieure à la croissance du PIB nominal à l’échelle mondiale, ce qui est habituellement un signe d’expansion.
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