Discours au congrès du Parti conservateur du Québec : Mettons fin aux subventions aux entreprises
Maxime Bernier
Québec
14 novembre 2015
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Chers amis conservateurs du Québec,
C’est pour moi un grand plaisir de me retrouver avec d’autres conservateurs, ici à Québec, dans la région la plus conservatrice du Québec!
En tant que député fédéral, je ne me mêle évidemment pas de politique provinciale. Je sais aussi qu’il y a des gens qui partagent nos idées dans d’autres partis provinciaux.
Mais ceux qui veulent militer pour un véritable parti conservateur, pour un parti qui ne défend pas les principes conservateurs seulement la moitié du temps, ou le quart du temps, mais en tout temps, sont ici, dans le Parti conservateur du Québec.
Je connais très bien votre chef. Adrien et moi avons été tous les deux impliqués à l’Institut économique de Montréal. Adrien est quelqu’un qui comprend parfaitement les idées conservatrices, quelqu’un qui n’a pas froid aux yeux.
Après un demi-siècle pendant lequel l’État québécois n’a pas cessé de grossir, un demi-siècle pendant lequel le Québec a été le champion canadien de l’interventionnisme dans l’économie, le champion de l’endettement, le champion des programmes bureaucratiques et coûteux, le champion des taxes et impôts élevés, il est maintenant plus que jamais nécessaire d’avoir une autre voix. Une voix conservatrice cohérente et à temps plein, une voix qui s’assume.
De quoi parle-t-on au juste lorsqu’ on parle des principes conservateurs, de ces principes qui nous distinguent de nos opposants politiques? Nous parlons tout d’abord de liberté. La liberté est la valeur fondamentale qui nous rassemble tous ici aujourd’hui. La liberté, c’est rien de moins que le fondement de notre civilisation. Nous avons le devoir de convaincre les gens de l’importance de la liberté, pour que nous puissions vivre dans une société encore plus libre et plus prospère. Une société tolérante et ouverte sur le monde.
Pour nos opposants politiques, la solution aux défis de la société est toujours davantage d’intervention de l’État et non pas davantage de liberté individuelle.
Comme Ronald Reagan l’a déjà dit, ces gens ont tendance à concevoir le rôle du gouvernement en trois étapes : si quelque chose bouge, taxez-le; si ça continue de bouger, réglementez-le; et si ça arrête de bouger, subventionnez-le!
Pour nous conservateurs, au contraire, le gouvernement devrait idéalement établir et appliquer les règles fondamentales de la vie en société. Puis, il devrait laisser les individus libres de coopérer entre eux pour répondre à leurs besoins. L’État ne devrait pas intervenir pour tenter de régler tous les problèmes dans le but d’imposer une vision utopique et irréaliste de la société.
Pour paraphraser John F. Kennedy, dans une perspective conservatrice, ne demandez pas à votre gouvernement ce qu’il peut faire pour vous; demander à votre gouvernement de s’enlever du chemin de façon à vous laisser libre d’assumer vos responsabilités envers vous-mêmes, envers votre famille et envers tous ceux qui vous sont chers.
Malheureusement, au cours du dernier siècle, les gouvernements ont grossi pour atteindre des tailles gigantesques. Et pas seulement au Québec mais partout en Occident. Ils interviennent dans pratiquement tous les aspects de nos vies. Ils nous déresponsabilisent en s’occupent de nous du berceau au tombeau. Et ils cherchent à planifier le développement économique.
Pour financer toutes ces interventions et programmes étatiques coûteux, nous en sommes venus à une situation où chaque enfant qui naît se voit déjà endetté de plusieurs dizaines de millier de dollars. Et si l’on tient compte des taxes et impôts perçus par tous les niveaux de gouvernement, la moitié des salaires des travailleurs sert à financer toutes ces interventions étatiques.
Comment en sommes-nous rendus là? Des économistes et des politicologues qui adhèrent à une école de pensée qu’on appelle « l’école des choix publics » ont tenté d’expliquer cette dynamique. Leurs recherches montrent comment certains groupes ont très fortement intérêt à s’organiser pour faire pression sur les politiciens. Ces groupes de pression veulent des subventions, des mesures protectionnistes, des programmes sociaux plus généreux, des privilèges fiscaux ou légaux, une réglementation qui les favorise ou qui les protège de compétiteurs. Toute faveur obtenue du gouvernement leur rapporte des bénéfices considérables.
Il est très difficile pour les politiciens de dire non à ces lobbies car ils ont les moyens d’influencer les débats publics, de mobiliser rapidement des appuis et de susciter des controverses dans les médias. D’autre part, on n’entend jamais ce que la majorité silencieuse a à dire, même si c’est elle qui paie la note.
On retrouve donc un déséquilibre fondamental dans les débats politiques. D’un côté, vous avez des bénéfices concentrés dans des groupes d’intérêt qui sont très motivés à faire leur lobbying; de l’autre, vous avez des coûts dispersés qui retombent sur la société en général.
Voilà comment l’État grossit sans cesse. Voilà comment nous devenons de moins en moins libres et de plus en plus dépendants des gouvernements.
Nous conservateurs, nous devons donner une voix à cette majorité silencieuse, celle qui paie la note, en défendant nos principes et valeurs.
Et justement, nous avons eu un bon exemple de cet interventionnisme néfaste ces derniers jours lorsque le gouvernement du Québec a accordé une aide de 1,3 milliard de dollars à une seule entreprise, Bombardier. Parlez-moi d’un bénéfice concentré!
Vous pouvez être fier de votre chef, Adrien, qui a défendu avec passion et conviction nos principes et nos valeurs et n’a pas eu peur d’être à contre-courant des idées reçues en s’opposant catégoriquement à cette aide gouvernementale.
Parmi les nombreux arguments qu’on a entendus en faveur de cette intervention, il y a celui selon lequel Bombardier est une compagnie trop grosse pour qu’on la laisse échouer. Pendant ce temps, il y a des milliers de petites et moyennes entreprises qui font faillite chaque année, avec des pertes d’emplois bien plus importantes. Mais celles-là n’ont pas une voix assez forte pour que les gouvernements s’en préoccupent.
Ceux qui prétendent que cette aide permet de sauver des emplois ne comprennent pas que le gouvernement détruit autant et même plus d’emplois ailleurs dans l’économie en transférant des ressources des autres secteurs à Bombardier. D’ailleurs, il n’y a aucune garantie que les emplois des avions de la CSeries seront maintenus à long terme.
En subventionnant à répétition Bombardier depuis des décennies, les gouvernements ont créé une compagnie qui prend trop de risques, qui s’implique dans trop de projets qu’elle est incapable de mener à terme. Pourquoi ne pas plutôt laisser le marché fonctionner, laisser d’autres investisseurs et d’autres entreprises prendre le contrôle de Bombardier et la gérer plus prudemment en créant de la richesse, au lieu de dilapider des ressources?
Il y a aussi l’argument selon lequel il faut subventionner notre constructeur d’avions parce que les Américains, les Brésiliens et les Européens le font. Mais s’il faut engouffrer des milliards de dollars dans les secteurs où nos compétiteurs interviennent, ça ne finira jamais. Ils ont des moyens dix fois plus gros que nous. Pourquoi ne pas plutôt réduire les impôts des sociétés et offrir un environnement d’affaires plus favorable? Toutes les entreprises en profiteraient, pas seulement les plus grosses et les mieux connectées. Elles deviendraient alors plus concurrentielles, créeraient plus de richesse et d’emplois durables, et notre niveau de vie augmenterait.
Le ministre québécois de l’Économie, Jacques Daoust, a invité le nouveau gouvernement fédéral à offrir une aide similaire à Bombardier. En tant que contribuable québécois, je n’aime pas que mon gouvernement à Québec gaspille mes impôts. Mais il serait encore plus malsain qu’Ottawa fasse la même chose.
M. Daoust justifie sa demande en disant que le gouvernement fédéral est intervenu pour sauver l’industrie automobile ontarienne. C’est toujours le même argument qui revient pour ceux qui veulent traire la vache à lait fédérale, où qu’ils soient au pays : l’Ontario a reçu tel investissement, Terre-Neuve a bénéficié de tel programme, le Québec a reçu tel montant, telle industrie a été favorisée. Moi aussi j’y ai donc droit!
Chacun cherche à s’accaparer une partie du magot qu’est le trésor public. Comme nos gouvernements dépensent à gauche et à droite depuis des décennies, il est impossible de réfuter cet argument. Pour avoir l’air équitable envers chaque région et acheter la paix, Ottawa cède aux pressions et continue de distribuer des fonds qu’il n’a pas.
Cette spirale sans fin de saupoudrage de subventions a contribué à grossir le gouvernement fédéral. Notre gouvernement conservateur l’a fait aussi au cours des neuf dernières années, même si j’aurais préféré qu’il adopte une politique différente.
Il faut mettre fin à cette dynamique. Il y a une autre façon simple pour le gouvernement fédéral d’être équitable, autant envers les régions du pays, les industries, les entreprises, qu’envers les contribuables. C’est de cesser complètement de subventionner les entreprises et baisser leurs impôts. C’est une solution non seulement équitable, mais aussi efficace sur le plan économique. C’est une solution qui met l’accent sur une gestion rigoureuse des finances publiques, sur la responsabilisation des acteurs économiques et sur la discipline du libre marché. C’est la seule solution conservatrice cohérente qui respecte nos valeurs de liberté et de responsabilité.
C’est cette solution que je vais défendre à Ottawa. Et j’espère que le prochain gouvernement conservateur l’adoptera lorsqu’il sera élu à Ottawa ou… à Québec!
Bon congrès et bon succès! Merci.
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