Un nouveau rôle plus ciblé pour CBC/Radio Canada
Maxime Bernier
23 novembre 2016
Lorsqu’elle a été créée il y a 80 ans, Société Radio-Canada/CBC était censée donner une place aux Canadiens dans le nouveau monde de la radiodiffusion. Plus tard, ce fut la même chose lorsque la télévision est devenue un média de masse.
À l’époque, il n’y avait que quelques chaînes privées. Il y avait une place évidente pour un radiodiffuseur public essayant d’atteindre tous les Canadiens dans les grandes villes ou dans les petites collectivités éloignées, de les relier au reste du pays et du monde et de les réunir par une expression commune d’idées et de culture. Cela a très bien fonctionné pendant plusieurs décennies et a eu une influence profonde sur la façon dont nous nous percevons et percevons le monde.
Nous sommes maintenant en 2016. Le paysage médiatique, avec ses centaines de canaux et ses millions de sources d’information et de culture, est radicalement différent. Pourtant, Radio-Canada/CBC semble figée dans le temps.
Elle essaie d’occuper toutes les niches, même si elle n’a pas et n’aura jamais les moyens de le faire, avec pour résultat une programmation de moindre qualité. L’audience pour son service, en anglais en particulier, a atteint de nouveaux bas-fonds. Pour demeurer pertinente, elle réinterprète son mandat toutes les quelques années, passant d’une crise à l’autre.
Que devrait-on faire ? Si je suis élu chef de mon parti et premier ministre, je propose de mettre en œuvre deux réformes fondamentales.
Premièrement, le rôle et le mandat de Radio-Canada/CBC doivent être réorientés.
Avons-nous besoin d’un radiodiffuseur public qui diffuse des jeux et des émissions de cuisine ?
Avons-nous besoin d’un radiodiffuseur public qui diffuse du sport lorsque nous avons des canaux entièrement consacrés au sport ?
Avons-nous besoin d’un radiodiffuseur public qui fait de mauvaises copies canadiennes d’émissions populaires américaines ?
Avons-nous besoin d’un radiodiffuseur public qui offre de la musique en continu sur le Web alors que des milliers de chaînes de musique sont disponibles ?
Avons-nous besoin d’un radiodiffuseur public qui dispose maintenant d’un site web consacré au journalisme d’opinion, qui vient concurrencer directement les journaux et les magazines ?
La réponse à toutes ces questions est clairement NON.
Je crois qu’il y a encore un rôle dans notre paysage médiatique pour un diffuseur public de radio et de télévision. Mais il doit offrir autre chose que ce que le secteur privé offre déjà.
Nous n’avons pas besoin de réinventer la roue. Le mandat de Radio-Canada/CBC stipule déjà qu’elle devrait :
– être principalement et typiquement canadienne et contribuer au partage d’une conscience et d’une identité nationales;
– refléter la globalité canadienne et rendre compte de la diversité régionale du pays, tant au plan national qu’au niveau régional, tout en répondant aux besoins particuliers des régions;
– contribuer activement à l’expression culturelle et à l’échange des diverses formes qu’elle peut prendre;
– refléter la situation et les besoins particuliers de nos communautés linguistiques, ainsi que le caractère multiculturel et multiracial du Canada.
Radio-Canada/CBC possède le plus vaste réseau de journalistes et de correspondants à travers le pays. C’est l’une de ses qualités uniques. Pourtant, au cours des dernières années, lorsqu’elle a dû s’adapter à un budget plus restreint, elle a comprimé ses stations régionales et concentré davantage de ressources dans les grandes tours de Toronto et de Montréal. Elle aurait dû faire le contraire. Les Canadiens ne veulent pas voir leur monde uniquement à partir de Toronto ou Montréal.
Radio-Canada/CBC devrait offrir davantage d’émissions d’affaires publiques de qualité, et pas toutes basées à Toronto, Ottawa et Montréal. À quand remonte la dernière fois que vous avez vu un panel d’invités à la télévision nationale débattre des enjeux du jour au Nouveau-Brunswick, en Saskatchewan ou dans le Nord ?
Elle devrait nous montrer ce qui se passe dans les quartiers de nos grandes villes, mais aussi dans nos petites villes et nos régions rurales, dans nos collectivités éloignées et autochtones.
Elle devrait nous expliquer le monde extérieur avec plus de correspondants à l’étranger.
Elle devrait faire équipe avec les fantastiques institutions culturelles, les théâtres, les orchestres, les festivals, qui existent dans toutes les régions de notre pays, et montrer ce qu’ils font au reste du Canada.
Elle devrait nous faire réfléchir, avec plus de documentaires de qualité, plus d’émissions sur la science, l’histoire ou la religion. Les Canadiens sont reconnus pour être ignorants de leur propre histoire. N’est-ce pas le rôle d’un radiodiffuseur public de nous en parler de façon intéressante ?
Bref, Radio-Canada/CBC devrait cesser de faire les trois quarts de ce qu’elle fait et que tout radiodiffuseur privé peut faire, et se concentrer sur ce qu’elle seule peut faire. Pour y parvenir, mon gouvernement modifiera la Loi sur la radiodiffusion afin de clarifier et de recentrer le mandat de Radio-Canada/CBC.
La deuxième réforme que je propose de mettre en œuvre est de faire sortir Radio-Canada/CBC du marché de la publicité.
Tous les médias privés ont dû faire d’importantes compressions et licencier des journalistes par centaines au cours des dernières années. Malgré cela, et avec l’avantage sur ses concurrents que lui donne le milliard de dollars qu’elle reçoit des contribuables, Radio-Canada/CBC rivalise injustement avec des médias privés en difficulté dans un marché où la publicité est en baisse.
Pour remplacer ses revenus de publicité, qui s’élevait à environ 250 millions de dollars l’an dernier, Radio-Canada/CBC devra se tourner vers le modèle de PBS/NPR aux États-Unis et compter sur des commandites de sociétés et de fondations ainsi que des dons volontaires de ses téléspectateurs et de ses auditeurs. Ces changements apportés à la structure de Radio-Canada/CBC exigeront aussi des modifications à la Loi sur la radiodiffusion.
Il y a plusieurs avantages à cela. Cela mettra fin à la concurrence déloyale avec les autres médias. Cela assurera une programmation de plus haute qualité en éliminant la nécessité d’obtenir constamment des cotes d’écoute plus élevées pour vendre de l’espace publicitaire. Au lieu de concurrencer les réseaux privés pour un public de masse, Radio-Canada/CBC sera plus à l’écoute des téléspectateurs prêts à contribuer à sa programmation unique.
Pour ce qui est de sa subvention publique, un gouvernement conservateur sous ma direction annulera les 150 millions de dollars supplémentaires annuels annoncés par le gouvernement actuel. Cela ramènera le financement public à un milliard de dollars, comme c’était le cas l’an dernier. Mon gouvernement examinera également le financement restant à la lumière de la nouvelle structure et du mandat plus ciblé dont je viens de parler et de l’état des finances publiques après plusieurs années de dépenses et de déficits irresponsables par le gouvernement Trudeau. Je ne peux donner aucun chiffre arbitraire aujourd’hui, mais je présume que la contribution des contribuables sera inférieure à un milliard de dollars.
Ma campagne est fondée sur les principes de liberté, de responsabilité, d’équité et de respect. Avec ma proposition, Radio-Canada/CBC cessera de concurrencer injustement les médias privés et sera plus respectueuse envers les contribuables qui aident à la financer. Elle deviendra aussi une institution publique plus pertinente, contribuant à renforcer notre culture et notre identité nationale.
Je demande aux membres du Parti conservateur du Canada et à tous les Canadiens de me soutenir pour que nous puissions mettre cette réforme en œuvre.
Merci.
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