Pour une politique monétaire avisée qui protège les Canadiens contre l’inflation et les krachs financiers
Maxime Bernier
15 décembre 2016
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Il y a quelques semaines, la Banque du Canada et le ministère des Finances ont annoncé qu’ils renouvelleraient le mandat de la Banque visant à fixer un objectif d’inflation de 2 % pour cinq autres années. Cette nouvelle n’a pas attiré beaucoup d’attention.
La politique monétaire est, pour la plupart des gens, une question très technique, difficile et ennuyeuse. C’est malheureux parce que c’est aussi une question cruciale pour notre bien-être économique. Elle détermine le niveau d’inflation et notre pouvoir d’achat. Combien nous payons pour les importations et pour nos hypothèques. Elle joue également un rôle clé influençant la croissance à long terme, les krachs financiers et les crises économiques.
C’est pourquoi il est très important pour quiconque aspire à diriger notre pays de comprendre la politique monétaire et de dire au public ce qu’il compte faire.
Un taux d’inflation de 2 % par année peut sembler modeste, mais cela signifie que les prix doublent tous les 35 ans. Cela signifie que le dollar dans votre poche achète de moins en moins de bien chaque année.
La raison pour laquelle les prix augmentent constamment n’est pas parce que les entreprises sont gourmandes, ou parce que les salaires augmentent ou parce que le prix du pétrole augmente. Ultimement, seule la banque centrale peut créer les conditions pour que les prix augmentent en imprimant de plus en plus d’argent.
Comme l’a admis l’ancien président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, l’inflation est l’équivalent d’une taxe. L’inflation réduit notre pouvoir d’achat, nos revenus et nos épargnes. Elle impose des ajustements constants dans la planification à long terme et fausse les prix relatifs et les décisions d’investissement.
La plupart des économistes, y compris ceux de la Banque du Canada, sont conscients de cette réalité. Lorsque son mandat a été renouvelé en 2011, la Banque a effectué plusieurs études sur les avantages de cibler un taux d’inflation plus faible.
Comme l’a déclaré Mark Carney, le gouverneur à l’époque, dans un discours en novembre 2011 : « Les recherches de la Banque ont généralement démontré que pour pouvoir tirer plus d’avantages de la réduction de ces distorsions, le taux d’inflation optimal devrait être plus près de zéro ou même légèrement inférieur. »
Cependant, la Banque a décidé à ce moment-là de s’en tenir à son objectif d’inflation de 2 % pour une seule raison majeure : préserver sa capacité d’intervenir plus vigoureusement dans une période de crise.
Avec une cible d’inflation de 0 %, les taux d’intérêt tendraient à être plus bas en temps normal qu’avec l’inflation à 2 %. La Banque aurait alors moins de marge de manœuvre pour les pousser encore plus bas afin de stimuler l’économie, car il est difficile d’aller en dessous de 0 %. La Banque préfère maintenir la cible d’inflation plus élevée parce que les taux d’intérêt seront également plus élevés et elle aura ainsi plus de munitions pour lutter contre un ralentissement économique, comme cela s’est produit en 2008-2009.
Ça, c’était la théorie. Nous sommes maintenant plusieurs années plus tard. Nous savons maintenant que réduire de beaucoup les taux d’intérêt et les garder très bas ne fonctionne pas pour stimuler l’économie.
Nous avons eu des taux d’intérêt avoisinant zéro depuis huit ans, mais cela n’a eu aucun effet sur la croissance. C’est ce que fait le Japon depuis 25 ans, et ça n’a pas fonctionné. Cela ne fonctionne pas non plus en Europe.
Cependant, cela crée de plus en plus de distorsions dans l’économie. Les taux d’intérêt artificiellement bas encouragent les gens à emprunter. La dette des ménages canadiens a atteint des niveaux record. Si les taux d’intérêt devaient augmenter maintenant, des centaines de milliers de canadiens auraient soudainement de la difficulté à payer leur prêt hypothécaire.
Les taux d’intérêt artificiellement bas affectent aussi négativement les épargnants et les investisseurs, qui obtiennent des rendements très faibles pour leurs placements. Cela cause des problèmes aux banques et aux compagnies d’assurance, qui sont obligées d’investir dans des actifs plus risqués. Cela crée des bulles dans divers secteurs, ce qui est exactement la raison pour laquelle il y a eu un krach en 2007.
Les banques centrales disent depuis des années qu’elles devront éventuellement relever leurs taux d’intérêt et revenir à une situation normale. Elles savent qu’en les maintenant très bas, cela entraîne tous ces déséquilibres, qui s’aggravent avec le temps. Mais elles craignent qu’une augmentation des taux provoque une autre récession majeure.
Dans un discours prononcé devant l’Economic Club de Toronto en 2010, j’ai mis en garde qu’une politique de relance monétaire ne résoudrait pas nos problèmes à long terme et entraînerait au contraire une nouvelle crise. Vous ne pouvez pas créer de la croissance et de la richesse simplement en imprimant plus d’argent et en encourageant les gens à emprunter et à dépenser, tout comme vous ne devenez pas plus riche en remplissant votre carte de crédit. La seule façon de créer de la richesse est d’investir, de travailler et de produire davantage.
À l’époque, tout le monde pensait que des taux d’intérêt très bas stimuleraient l’économie. Tout le monde sait maintenant que cela ne fonctionne pas et que la situation est devenue intenable.
Philip Cross, ancien chef analyste économique de Statistique Canada, a écrit dans une étude récente publiée par l’Institut MacDonald-Laurier que « le constat historique est que les politiques de stimulation de l’économie auxquelles on a recours pour mettre fin à une récession portent les germes de la prochaine crise cyclique ».
Si la politique monétaire est inefficace, comment pouvons-nous sortir de cette impasse et éviter une autre récession majeure ? L’investissement des entreprises a été un des aspects de notre économie qui ont montré le plus de faiblesse ces dernières années. Il faut adopter des politiques pour encourager le secteur privé à investir et à créer de la richesse.
Il y a trois mois, j’ai fait une série de propositions pour libérer l’économie canadienne. J’ai proposé de réduire les impôts des entreprises de 15 % à 10 %. D’abolir l’impôt sur les gains en capital. Et de rendre permanente et étendre à tous les secteurs la déduction pour amortissement accéléré.
Cela s’ajoute à d’autres mesures que j’ai annoncées pour accroître la concurrence dans le secteur des télécommunications, du transport aérien et de l’agriculture, ainsi que pour réduire la paperasserie en éliminant les obstacles au commerce interprovincial. Plus notre économie est libre et qu’il y a de la concurrence, plus les entreprises seront disposées à investir.
Le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, est d’accord pour dire qu’il ne peut guère faire plus pour stimuler l’économie et que nous devrions utiliser d’autres moyens que la politique monétaire. Il a raison de dire cela. Cependant, il aurait dû s’arrêter à cette affirmation.
Au lieu de cela, il a passé la dernière année à saisir chaque occasion pour défendre de manière enthousiaste le plan malavisé du gouvernement libéral de créer un déficit et de dépenser plus d’argent des contribuables. M. Poloz a non seulement tort quant à l’efficacité de cette solution keynésienne. Il n’est pas non plus censé en faire la promotion active et encourager la politique fiscale du gouvernement en place.
Le gouverneur de la Banque centrale est un fonctionnaire, pas un politicien. En avril 2015, lorsque mon collègue Andrew Saxton lui a demandé lors d’une audience du Comité des Finances de parler des avantages pour l’économie d’un budget équilibré, M. Poloz a répondu : « Ce n’est vraiment pas notre rôle de commenter la politique fiscale. Puisque nous sommes la banque centrale, je vais m’abstenir. »
Il avait raison. Il a le devoir de demeurer impartial quand il s’agit de différents types de politiques fiscales qui devraient être mises en œuvre. Il n’a pas d’affaire à faire l’éloge d’un type de solution plutôt qu’un autre pour stimuler l’économie. Sa responsabilité est de gérer la Banque centrale. Il a franchi une ligne, et je lui suggère fortement de s’abstenir à l’avenir de s’impliquer dans la politique partisane.
En résumé : lorsque je serai élu premier ministre en 2019, je mettrai un terme à la politique inefficace de dépenses déficitaires du gouvernement actuel. Je vais ramener l’équilibre budgétaire en deux ans. Je vais légiférer des réductions d’impôt pour stimuler l’investissement privé et l’économie de manière durable. Et je demanderai à la Banque du Canada d’étudier de nouveau les avantages d’adopter éventuellement une cible d’inflation de 0 % lorsque son mandat sera renouvelé en 2021.
Merci.
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