Discours par Maxime Bernier – Conférence Civitas – Montréal, 28 avril 2018
Bonjour à tous.
Avant de commencer, je tiens à préciser que je ne parle pas en tant que porte-parole en matière d’innovation pour le Parti conservateur aujourd’hui. Ce sont mes propres réflexions personnelles.
Le sujet de ma présentation est l’avenir économique du Canada. Je suis assez optimiste quant à notre avenir économique. Simplement parce que je suis optimiste quant à l’avenir économique du monde.
L’augmentation constante de la productivité qui a commencé il y a 200 ans avec la révolution industrielle est plus forte que jamais. Nous sommes au milieu d’une autre révolution grâce aux ordinateurs, à internet, aux robots et à l’intelligence artificielle.
Les pays d’Asie et d’Afrique qui étaient à la marge de l’économie mondiale l’ont rejoint. Le capitalisme et les marchés plus libres se répandent partout.
Les marchés sont encore loin d’être libres ici et dans la majeure partie du monde, et il y a encore d’énormes problèmes à résoudre. Mais ils sont assez libres pour élever le niveau de vie partout.
Beaucoup de gens croient à tort que les choses empirent, mais en réalité, la pauvreté absolue disparaît rapidement.
Grâce à la mondialisation économique, à la libéralisation du commerce et à la division du travail, nous allons bénéficier des formidables innovations et de la richesse créée ailleurs.
Ma préoccupation est plus spécifique à notre pays : le Canada sera-t-il l’un des champions de ce nouvel âge d’or économique, ou allons-nous être à la traîne ?
Serons-nous l’un des centres mondiaux de croissance et d’innovation, ou allons-nous nous contenter de suivre les autres ?
Il y a deux attitudes fondamentales lorsque vous voulez préparer votre avenir économique, qu’il s’agisse d’un individu ou d’une société.
Si vous êtes orienté vers l’avenir, vous comprenez qu’il est nécessaire de restreindre vos désirs immédiats, de ne dépenser que ce que vous pouvez vous permettre, d’épargner et d’investir, de manière à assurer des flux de revenus plus importants dans l’avenir.
Si vous êtes orienté vers le présent, vous voulez dépenser autant que possible en ce moment. Vous empruntez pour dépenser plus, même si cela signifie que vous aurez moins de ressources à l’avenir. Vous n’économisez pas. Vous n’investissez pas.
Cette dernière description est l’état d’esprit qui correspond à l’approche économique keynésienne.
C’est l’état d’esprit des partisans de gros gouvernements qui pensent que plus d’emprunts, plus de dépenses, plus de subventions, plus de stimulus monétaires, voilà ce dont notre économie a besoin, que nous soyons en récession ou non.
C’est l’état d’esprit des gauchistes qui veulent toujours créer de nouveaux programmes sociaux, adopter de nouvelles réglementations bien intentionnées et redistribuer plus d’argent, quel que soit l’impact sur la croissance.
Bref, c’est l’état d’esprit des libéraux de Trudeau !
Tout ce que ce gouvernement a fait jusqu’ici est d’emprunter, d’augmenter les dépenses, de créer de nouveaux programmes, d’imposer de nouveaux règlements, d’augmenter les impôts des entrepreneurs, de ne pas s’arranger pour approuver ou soutenir des projets majeurs comme les pipelines, et de façon générale de créer plus d’incertitude pour les investisseurs.
Les résultats sont là. L’investissement total des entreprises au Canada a régulièrement diminué au cours des quatre dernières années. Selon Statistique Canada, il est en baisse de 17 %.
Nous aurions pu investir 25 milliards de dollars de plus si les projets de pipeline avaient été approuvés.
Au lieu de cela, le gouvernement Trudeau a empêché la construction de deux pipelines et pourrait en empêcher un troisième. Pendant ce temps, les investissements dans le pétrole et le gaz aux États-Unis sont en plein essor.
Les investisseurs étrangers perdent également confiance dans l’économie canadienne. L’investissement direct étranger a chuté de 42 % en 2016 et de 26 % en 2017, son plus bas niveau en huit ans.
Nous avions les meilleurs résultats d’investissement dans le G7, maintenant nous avons le plus faible.
Il y a un an et demi, lorsque Donald Trump a été élu, j’ai sonné l’alarme et j’ai dit que le Canada risquait de perdre sa compétitivité si nous ne parvenions pas à égaler son plan de réduction des impôts.
Il a fait ce qu’il a promis.
Nous avions un avantage de quinze points sur les États-Unis en termes d’impôt sur le revenu des sociétés, si nous incluons les taux fédéraux et provinciaux ou d’État. Maintenant, cet avantage est disparu.
Pendant ce temps, le dernier budget du ministre des Finances n’offrait rien pour combler ce déficit de compétitivité.
Il était consacré à la priorité des libéraux : les questions de genre et d’identités intersectionnelles. Et basé sur la croyance keynésienne que le gouvernement peut créer de la richesse en empruntant et en dépensant plus d’argent pour stimuler la consommation.
Les libéraux ne comprennent pas que nous ne pouvons pas stimuler l’économie en stimulant la consommation parce que la consommation découle toujours de la production de richesse.
Pour le dire simplement : Ils ont mis la charrue avant les bœufs.
La consommation ne stimule pas la croissance économique. C’est plutôt une conséquence de la croissance.
La production précède la consommation. Les consommateurs ne peuvent acheter quelque chose que s’ils ont eux-mêmes produit quelque chose.
Nous travaillons, nous produisons, nous sommes payés et ensuite, nous consommons.
La production de biens et de services stimule l’économie, et non la consommation.
Donc, pour stimuler l’économie, nous devons avoir des politiques publiques qui inciteront les producteurs et les entrepreneurs à investir et à créer de la richesse.
Ce que nous devrions faire, c’est réduire l’impôt des sociétés, pour rendre notre économie plus attrayante pour les investissements des entreprises. Et idéalement, réduire ou éliminer d’autres taxes, comme l’impôt sur les gains en capital, pour encourager les Canadiens à épargner et à investir davantage.
Tandis que Trump s’efforce d’abolir et de simplifier les règlements, les libéraux en promulguent de nouveaux.
Ils sont sur le point d’adopter des projets de loi qui obligeront à examiner l’impact de nouveaux projets de développement, sur – vous l’aurez deviné – les identités intersectionnelles de genre, de race, et autres.
C’est extrêmement préoccupant. Si nous continuons sur cette voie, n’importe quel groupe pourra bloquer n’importe quel projet simplement en organisant une protestation et en disant que cela a un impact sur son identité.
Nous avions un mécanisme rationnel et objectif pour régler ces problèmes : les droits de propriété.
Si nous le détruisons et le remplaçons par des débats sur des identités subjectives, il deviendra impossible pour quiconque d’investir dans ce pays.
Il y a une raison importante relativement nouvelle pour laquelle nous devons investir et augmenter notre productivité : le fait que la main-d’œuvre se fait rare. Notre société vieillit. Il y a de plus en plus de pénuries de main-d’œuvre dans divers secteurs de l’économie.
Les politiciens aiment généralement parler d’emplois, de telle ou telle décision menant à la création d’emplois.
Mais le défi n’est plus de créer des emplois. C’est de trouver des travailleurs ou de trouver des moyens de produire plus sans avoir besoin de plus de travailleurs.
Certaines personnes craignent que les robots et l’intelligence artificielle volent nos emplois.
Les Luddites se trompent depuis deux siècles sur la disparition des emplois. Ce que nous devons faire, ce n’est pas empêcher ou ralentir le changement, mais nous y adapter. Et pour cela, nous avons besoin de marchés plus libres et plus flexibles.
L’une des façons dont le gouvernement Trudeau dit promouvoir l’investissement dans notre économie future, c’est avec des subventions. Le ministre de l’Innovation, M. Bains, va donner un milliard de dollars à cinq soi-disant « supergrappes » qui sont par un étrange hasard réparti s de manière égale dans toutes les régions du pays.
Il n’y a tout simplement aucune logique économique dans les subventions gouvernementales.
Si une entreprise est saine et rentable, elle n’a pas besoin de subventions. Si elle n’est pas rentable, elle ne devrait pas en recevoir. C’est seulement une autre forme de gaspillage pour acheter des votes.
Une autre politique gouvernementale qui ne favorise pas l’investissement et la croissance future est notre politique monétaire.
Je crois que je suis le seul politicien au Canada préoccupé par la politique monétaire. Cela a une influence directe sur la valeur future de notre argent et sur tout le monde. Mais personne n’en parle.
La crise financière est survenue il y a plus d’une décennie. Cela aurait dû être assez long pour normaliser la politique monétaire.
Et pourtant, nous avons toujours des taux d’intérêt artificiellement bas.
Bien qu’ils soient supposés stimuler et soutenir l’économie, les taux artificiellement bas ont plusieurs conséquences négatives.
Les faibles taux encouragent les gens à emprunter et à dépenser. C’est la solution keynésienne à tout.
L’OCDE affirme que les ménages canadiens sont plus endettés que ceux de tout autre pays développé. Quand le prochain ralentissement frappera, cela rendra la situation encore plus dangereuse.
Les taux bas encouragent également les gouvernements à emprunter. Le retour au déficit du gouvernement libéral n’a aucune justification rationnelle, mis à part le fait qu’il prétend stimuler l’économie.
Mais nous savons que c’est un sédatif pour l’économie. Et malgré leurs promesses, ils n’ont aucun plan pour ramener des budgets équilibrés.
Le Québec a un budget équilibré depuis quelques années, mais c’est toujours la province la plus endettée. L’Ontario vient d’annoncer qu’il aura des déficits jusqu’en 2024. L’Alberta aura des déficits jusqu’en 2023.
À l’approche de la prochaine crise, la plupart des gouvernements canadiens seront dans une situation fiscale pire qu’en 2008, ce qui est imprudent.
Les faibles taux d’intérêt faussent l’économie. Il y a beaucoup de soi-disant entreprises zombies qui ne sont pas vraiment rentables, mais qui restent en vie parce qu’elles sont soutenues par de l’argent facile.
C’est l’une des raisons pour lesquelles la croissance de la productivité est inférieure à ce qu’elle devrait être. Ces entreprises zombies drainent des ressources qui devraient être investies ailleurs.
Je suis un fan de l’économie autrichienne. Je pense que tout le monde devrait lire Mises, Hayek et Rothbard. Ils ont montré que les faibles taux d’intérêt entraînent une mauvaise allocation des ressources. Ce qu’ils appellent des malinvestissements. Cela donne l’impression d’un boom, mais cela ne peut pas durer éternellement.
Les ressources ne sont pas illimitées. Vous ne pouvez pas consommer plus, épargner plus et investir plus en même temps. Les banquiers centraux ne sont pas des magiciens.
La Banque du Canada semble toujours avoir une bonne raison de maintenir les taux bas. Ils disent que les taux doivent être bas pour encourager l’investissement.
Mais quand les investissements augmentent, ils disent que cela augmente la capacité de croissance de l’économie sans déclencher l’inflation. Et donc, ils n’ont pas besoin d’augmenter les taux.
Les taux restent donc bas, année après année. Nous sommes de plus en plus endettés, nous avons plus de malinvestissements, plus de distorsions économiques, et la Banque a plus que jamais peur de hausser les taux de crainte que tout cet édifice fragile s’effondre.
Non seulement cela, mais de façon typiquement keynésienne, Stephen Poloz a également encouragé le gouvernement à s’endetter davantage. Je trouve cela épouvantable.
En tant que banquier central, c’est-à-dire un fonctionnaire neutre sans affiliation politique, le gouverneur n’a pas à exprimer son opinion sur les questions budgétaires.
Il l’a dit lui-même il y a quelques années lorsqu’on lui a demandé, lors d’une réunion du Comité des finances, ce qu’il pensait du budget équilibré de notre gouvernement.
Poloz et son équipe devraient s’en tenir à la politique monétaire. S’il veut faire de la politique, il devrait démissionner et être candidat libéral aux prochaines élections.
Ce dont nous avons besoin pour la croissance future, c’est d’économiser; d’accumuler du véritable capital; et d’investir dans des entreprises rentables, et non des entreprises artificiellement soutenues par des taux d’intérêt bas ou par des subventions gouvernementales.
Pour assurer l’avenir économique du Canada, nous avons besoin de politiques de libre marché à Ottawa.
Nous avons besoin d’un gouvernement prêt à faire les sacrifices nécessaires et à prendre des décisions parfois impopulaires, et non un gouvernement uniquement préoccupé par l’achat de votes avec l’argent des contribuables.
Il n’y a pas de limites à la croissance et au progrès humain quand les hommes et les femmes sont libres de suivre leurs rêves. Mon rêve pour le Canada est que le XXIe siècle devienne un siècle de liberté et de prospérité inégalées.
Je voulais partager ce rêve avec vous. Et j’espère que chacun de vous dans votre propre domaine, dans votre propre travail, trouvera des moyens de faire de ce rêve une réalité.
Je vous remercie.
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